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Ecrit psychanalytique : l’angoisse

Ecrit psychanalytique : l’angoisse
Radiographies créatives : blue nous Frédéric P. Lemonnier

Bienfaits et pathologies de l’angoisse de la naissance à l’âge adulte

Selon la doxa, l’angoisse manifeste un profond sentiment de peur, d’inquiétude, d’anxiété qui, de prime abord, entrave toute action. Nous avons tous à l’esprit cette peinture de Courbet où l’épouvante saisit le visage du désespéré, ou bien encore les peintures de Goya où l’effroyable fige les visages, tord les corps, écarquille les grands yeux des pénitents. L’angoisse vous prend avec son cortège d’horreurs, vous étrangle, vous pétrifie. 

Comment pourrait-elle alors dans cette vision cauchemardesque aboutir à un bienfait ? Ou ne serait-ce qu’avoir une fonction bienfaitrice ? Positive ?

Serait-ce un avantage que d’être angoissé ?

Cette inquiétude pourtant, qui interroge chez l’enfant émerveillé jusque chez l’adulte philosophant, ne pourrait-elle pas être le berceau de la vie, l’origine de toute pulsion de vie ?

Il faudrait appréhender l’autre partie de l’énoncé, comme une opposition éthologique à l’avantage généreux que procure la « déesse de l’angoisse » : les pathologies ? Y-a-t-il un « en même temps » ? Simultanément le bienfait, simultanément la maladie ? Est-ce une question de niveau de lecture de l’angoisse ?

A quel moment le pathos au sens d’affect, deviendrait pathos au sens de souffrance, maladie ? Serait-ce quand l’angoisse change d’état, de la latence à l’affect ?

Notre culture occidentale comme dans le Cri de Munch, trace la vibration incommensurable de l’angoisse. Prémonitoires, ces œuvres picturales préfigurent les horreurs à venir encore plus effroyables que seront les guerres mondiales mais l’universalité de l’angoisse est déjà présente : archaïque, primaire, originelle comme dans le Cronos de Goya, dévoreuse de chair à la naissance des dieux. Elle sous-tend la vie de la naissance à la mort de l’homme. 

I Définitions

La difficulté repose dans la définition même de l’angoisse. Qu’est-ce que l’angoisse ? Il faut pour la comprendre étudier un instant son étymologie : elle est issue de l’angustia en latin, qui exprime le resserrement, l’étranglement et de l’agonia grecque qui signifie le combat. Die Angst, dans le texte freudien, exprime non pas la peur, mais bien un sentiment de constriction : l’étau se resserre et c’est non seulement un sentiment profond, fort, mais plus spécifiquement un état somatique qui couvre plusieurs désinences symptomatiques telles : palpitations, spasmophilie, tétanie, vertige, syncope, dyspnée, pâleur, halètements… voire crise cardiaque. Les manifestations paroxystiques d’une crise d’angoisse peuvent conduire résolument à un état délétère et mortel. Tandis que l’angoisse relate un effet sur le soma (soit le corps), tel un combat corporel du moi, l’anxiété décrit plutôt un état mental, flottant et léger.

Pourtant cette souffrance traverse bien dans la séméiologie des troubles anxieux (DSM V), des syndromes corporels, mentaux, et comportementaux. La pathologie générale, au-delà de l’atteinte somatique, entrave aussi l’esprit : le sujet a peur de perdre le contrôle, peur de devenir fou, et cette appréhension peut aller jusqu’à l’irréparable : la défenestration ou le suicide. (phobie d’impulsion)

Le comportement d’un angoissé est parfois visible dans la crispation de son corps ou de son visage, sa rigidité, la fixité soudaine de son regard, ou au contraire, dans des gestes désordonnés, une déambulation incessante.

Nous parlons bien ainsi d’une souffrance qui peut être mortelle.  L’angor pectoris, terme médicale pour désigner l’angoisse de poitrine, se caractérisent par des douleurs constrictives violentes qui annoncent l’infarctus du myocarde. C’est bien ce que révèle le terme d’angoisse : un état de souffrance qui pétrifie, qui combat au contraire, ou qui s’échappe soudain dans l’impulsion qu’il suscite. L’angoisse est poignante et manifeste parfois une sensation de mort imminente, un état de détresse (dis-stress) …

Si l’angoisse peut être converti somatiquement, d’une certaine manière à l’extérieur, elle a aussi un déclenchement interne. Elle illustre un combat intérieur : le tourbillon de l’âme contre des puissances obscures.

L’angoisse comme nous l’entendons souvent aujourd’hui, traduit bien le signal d’alarme que produit notre moi face à un danger interne : à l’état adulte, elle est proprement psychique. Et il faut bien sûr la différencier de la peur face à un danger connu, extérieur, bien déterminé, même si elle peut d’une certaine manière aboutir aux mêmes desseins comportementaux : la fuite, l’immobilité ou le combat. Freud distingue ainsi dans Inhibition, Symptôme et angoisse, l’angoisse du Réel (die Realangst) de l’angoisse névrotique ou psychique.

Notre angoisse psychique est l’héritière de cette angoisse de mammifère face au danger extérieur : le lion ou l’éléphant qui attaquent, la foudre qui frappe.

C’est en cela qu’elle est un bienfait pour l’homme car elle signale un danger, en outre elle donne très souvent l’impulsion d’une action. Seulement ici le danger n’est plus immédiat, elle est donc plutôt préventive ou anticipatrice : la vie entière peut d’ailleurs s’organiser autour de la crainte de vivre à nouveau cette angoisse.

Nous retrouvons ici l’instinct de conservation, ou d’autoconservation freudien. Le danger, la maladie, la mort peut surgir. Il faut donc pour la conservation de l’espèce procréer, mais plus spécifiquement donner une suite à son propre moi. L’angoisse à l’origine de toute chose, primitive, est instinctuelle. Elle remplit le manque de vie, elle complète, elle poursuit. Pour paraphraser Françoise Dolto dans La cause des enfants, tout être nait d’un « désir inconscient » de donner la vie. Ainsi la naissance d’un individu remonte à cette angoisse originelle pour vaincre la temporalité et son improbabilité. À tout moment, la vie peut s’interrompre, la maladie peut suspendre, la violence peut surgir. Cette angoisse instinctuelle, primitive, est comme un soubresaut de vitalité : je veux vivre encore plus, je veux qu’elle se prolonge, je veux combler mon manque à la vie. Cette angoisse porte en elle, son manque à être et son néant. Elle agit comme une impulsion face aux possibilités qui peuvent advenir : serai-je ? Ou ne serai-je plus ? Elle appréhende ce futur impossible et réagit. Ainsi que Kierkegaard le dit en substance dans son Concept de l’Angoisse, synthèse de la bête et de l’ange, seul l’homme peut éprouver cette angoisse. Car, se détachant de l’innée, il peut ainsi grâce à l’angoisse être en tension et créer. L’angoisse est alors ce vertige de liberté, face au possible : face à ce qui n’est pas encore et ne sera peut-être jamais, l’homme n’a que le choix de se saisir d’une décision. D’une certaine manière, pour ne pas subir ce vertige, il décide le faire ou l’action plutôt que le néant impossible : il crée, il fait, il procrée.

L’angoisse devient ainsi cette impulsion vitale face au néant des possibles.

Il faut ajouter que dans ce furieux désir de vivre, l’angoisse reste sans objet. Elle traduit le plus confusément possible cette impulsion vers, sans que ne soit spécifiée la véritable nature de la crainte.

Souvent, l’individu agit ainsi sans authentifier précisément la source de son mal-être, voire sans avoir connaissance d’un véritable mal-être. Soudain, l’agressivité surgit, la confusion des sentiments s’installe, soudain, l’individu ne sachant pourquoi, a une brusque envie de pleurer. L’angoisse est à la fois ce sans-objet    _contrairement à la peur, ou à la crainte plus imprécise_ et cette « impulsion-vers » : elle est d’ailleurs toujours, même dans la pétrification, un désir de futur.

II Généalogie de l’angoisse :

Nous retrouvons ainsi l’angoisse originaire : le fœtus, d’abord idée, puis objet du désir inconscient, subit dans son évolution, les angoisses de la mère. Malgré la membrane amniotique, il peut suivre le rythme de sa détresse comme de sa joie : le ventre peut se figer comme du béton à l’acmé d’une souffrance maternelle.

Selon Françoise Dolto, cette angoisse perçue mais non-conscientisée, peut marquer l’évolution du nourrisson. Tout fœtus se crée dans l’angoisse de vie et est objet de cette même angoisse. Il subit donc cette double angoisse profondément qui laissera certainement des traces indélébiles.

L’angoisse originaire recouvre donc d’une part l’angoisse de la mère, d’autre part, l’angoisse explosive de la vie qui saisit le fœtus. Durant toute son évolution, le fœtus subit des soubresauts électriques de vie, entrecoupés de silence. Bien que la conscience ne soit encore dessinée, bien que l’angoisse originaire ne puisse être caractérisée au même titre que l’angoisse post-natale, nous pouvons tout de même concevoir que cette angoisse prénatale puisse être effrayante pour le fœtus. Tandis qu’il perçoit les bruits du dehors, sourit déjà dans le ventre de sa mère, parfois tambourine, ou manifeste d’une perception, d’une vie, il peut aussi bien être affecté par ce rythme qu’impose la création de son propre corps, ces poussées vitales et ces silences mortels _sans bruit, sans vie. Le psychiatre japonais Kimura Bin rapproche d’ailleurs cette angoisse originaire de l’angoisse que subit l’épileptique, où mort et vie se côtoient.

Selon Freud, « l’inconscient est probablement le véritable intermédiaire entre le somatique et le psychique » C’est par l’intermédiaire de l’angoisse que le chaînon se met en place. Cette angoisse originaire, monstrueuse est, selon moi, imprimée irrémédiablement dans l’inconscient à venir, car incrustée dans les cellules du fœtus.

À la naissance, l’angoisse prend toute sa dimension étymologique de resserrement, d’étau, d’arrêt de la respiration, de claustration et de constriction : la douleur de cet étouffement doit être incommensurable pour un si petit corps ! A tel point qu’Otto Rank a considéré ce traumatisme de naissance dans son essai éponyme comme le prototype de toute angoisse future.

Selon le psychologue autrichien, pour mieux vivre, il faudrait abréagir cette angoisse, la projeter vers l’extérieur en la revivant.

Dans la leçon n°25 d’Introduction à la psychanalyse, Freud la considère un instant pour la relativiser ensuite dans Inhibition, symptôme et angoisse par l’angoisse du réel (die Realangst), l’angoisse de séparation avec la mère, puis par l’angoisse de castration et l’angoisse névrotique : il affirme sans équivoque qu’il ne faut surtout pas réduire l’angoisse à ce qu’éprouve l’enfant au moment de la naissance.

Nous pouvons tout de même estimer l’importance de cette angoisse de séparation au même titre que l’angoisse originelle. Ma naissance fut à quelques jours tardive comme si je préférais rester indéfiniment dans ce contenant maternel, et y baigner. On m’extirpa alors par césarienne « manu militari » … bien que ne subissant pas ce traumatisme de manière si caractéristique que la plupart des bébés qui sont extraits par voie naturelle, je fus affecté par cette angoisse de la séparation d’avec la mère que je revécus certainement au sevrage de manière plus prégnante.

Lacan insiste sur le choc provoqué par la pénétration de l’air dans les poumons, puis la coupure du cordon et la séparation du placenta : c’est en effet un véritable ébranlement, brutal qui entraine la division du sujet.

L’angoisse s’inscrit ainsi dans la vibration d’un phénomène naturel et permet la construction essentielle de l’homme. Autant la mère peut être affectée par la séparation de l’objet, autant le nourrisson réagit à cette division par les cris et les larmes. La résonnance de ce cri est telle que le psychologue Arthur Janov inaugure sa thérapie primale dans les années 70 comme un traitement pour la guérison de la névrose.  Selon Janov, l‘Inconscient n’est ni mystérieux, ni insondable ; il est essentiellement constitué des souffrances de l’enfance. Il faudrait pour soigner cette angoisse inscrite dans la souffrance primale, remonter à l’origine de ce cri.

Cette première angoisse de naissance relate finalement les fonctions vitales de toute existence : elle enveloppe toute fonction et appelle à un passage d’un état à un autre.

Alors que l’angoisse originaire reste binaire entre vie et mort, entre 1 & 0, entre présence et absence, l’angoisse primaire de naissance fait passer de l’intérieur à l’extérieur, du dedans, sécurisant, à l’extérieur, vacuité qui deviendra le monde.

A partir de la naissance, l’angoisse agira ainsi de soubresaut en soubresaut, pour remplir le vide : c’est un état qui traduit l’impulsion-vers sans que l’objet soit encore défini. L’enfant s’appuie au départ sur les contenants maternels. Il est simple présence au monde mais cherche le soutien car habitué à un environnement pleinement enveloppant, il s’agrippe pour ne pas tomber dans le vide vertigineux du monde.

La pathologie de l’angoisse chez le nourrisson est significative. L’angoisse entraine un trouble qui se traduit par un symptôme : asthmes, otites, troubles intestinaux caractérisent les angoisses du vide, qui doit être comblé. Pour reprendre une expression devenue populaire, « l’asthme est un chant de l’amour qui s’étouffe ». Pour l’analyse, l’angoisse est indissociable du message dont elle est empreinte : elle est, en stigmatisant cette vision romantique, un chant de la vie qui s’ignore, un chant du désir d’être.

Tous les processus primaires, grâce au vecteur de l’angoisse, conduisent peu à peu à l’objectalité puis à l’idéalisation.

Après donc la première division, vient le sevrage puis peu à peu l’objet se dessine et ceci bien sûr pour que le moi surgisse puis se structure.

L’angoisse primaire est principalement régie par le principe de plaisir : le nourrisson ne réagit qu’à son mal-être et son bien-être. La première démarche du psychisme infantile est, selon Mélanie Klein, de transformer l’angoisse, impressions de vide et de manque en objets. Alors que pendant les 6 premiers mois, l’enfant est encore en fusion avec la mère, l’enfant crée ensuite des objets partiels (fictifs et virtuels, qui sont à ses yeux de véritables objets). L’angoisse détermine ainsi des oppositions entre le bon objet et le mauvais objet : elle produit le clivage entre ce qui est objet de plaisir, qui peut être intégré au self (l’introjection), et permettre sa construction et le mauvais objet qui ne peut être que rejeter et projeter hors du self. L’enfant oscille ainsi entre l’angoisse persécutrice ou schizo-paranoïde et la tentative de réparer le mauvais objet (le mauvais sein ou la mauvaise mère) par une phase dépressive

L’objectif principal de l’angoisse primaire est de se remplir de bons objets, comme le nourrisson se remplit de bon lait. C’est une angoisse du manque, du vide, du creux : le nourrisson est affecté par la fringale.

Je me dis parfois que cette dernière se retrouve chez l’adulte dans sa folie furieuse de tout posséder, de tout voir, de tout visiter sans réellement digérer. Cette angoisse paraît normale dans une société d’hyper-consommation mais elle révèle pour moi un remplissement moribond.

C’est là où la pathologie se dévoile dans la fonction essentielle de la sustentation : les symptômes de boulimie ou inversement d’anorexie traduisent l’angoisse de l’effondrement du moi. Selon Winnicott, l’angoisse perpétuelle qui agit par exemple, dans la boulimie est la peur que le moi s’effondre, que sa structure se délite.

Une nouvelle angoisse se glisse pernicieuse et sournoise, une angoisse archaïque qui se cache dans les affres infantiles et peut persister ainsi jusqu’à l’état adulte. Cette angoisse est bien sûr caractérisée par le creux mais elle menace l’intégrité du Moi. Elle rejoint avant l’essor du langage chez le bambin les autres angoisses archaïques comme les angoisses de morcèlement, d’effondrement, de dévoration et de liquéfaction.

A ces angoisses archaïques s’attachant à la formation du Moi, sur lesquelles nous reviendrons, nous trouvons l’angoisse du 8ème mois de Spitz, l’angoisse de l’étranger qui demeure une angoisse liée à la mère et à son absence et celle de Margaret Malher, l’angoisse de séparation du 5ème mois qui caractérise le passage du symbiotique, moment de confusion entre la mère et l’enfant à la différenciation-objectalité.

Toute cette théorie de l’angoisse de séparation se retrouve en d’autres termes dans la théorie de l’attachement de John Bowlby. Une fois de plus, cette angoisse qui cherche à trouver l’espace sécurisant, le lieu de tendresse et d’attachement peut aboutir à une anxiété inappropriée. Le DSM V décrit la pathologie de l’angoisse de séparation comme une « anxiété inappropriée et excessive concernant la séparation d’avec les personnes auxquelles l’enfant est attaché ». Les symptômes sont significatifs : l’enfant refuse d’aller à l’école ou de dormir seul, s’agrippe lors de séparation…

Pour contrecarrer ces angoisses parfois délétères, l’angoisse primaire se fixe sur les bons objets qui l’environnent, « s’objective » dans des moments narcissiques, donnant ainsi naissance aux objets de plaisirs spécifiques intériorisés. Le bambin pourra d’ailleurs utiliser des objets transitionnels (Winnicott) comme la tétine pour réactiver le principe de plaisir suscité par le bon objet (le sein), ou comme le doudou pour raviver le souvenir de la tendresse maternelle.

Freud l’a aussi mis en exergue dans le jeu de la bobine du petit Ernst dans Au-delà du principe de plaisir, faisant disparaître et réapparaître l’objet symbolisant ainsi la présence (Da) et l’absence (Fort : loin) de la mère. L’objet permet ainsi d’apaiser le manque de l’objet maternel et soulager cette angoisse : la création par le jeu, joue un rôle déterminant me semble-t-il, dans l’allègement de l’angoisse : la création et l’imagination permettent alors d’une certaine manière de la sublimer.

N’y-a-t-il pas d’ailleurs l’écueil de la fantasmagorie pathologique lorsque l’enfant se berce d’histoires qui annihile le principe de réalité laissant ainsi poindre un principe de plaisir omnipotent ?

Gérard Bonnet, dans son essai sur l’Angoisse explique que l’objectivation véhiculée par l’angoisse primaire aboutit finalement à la naissance de 3 idéaux fondamentaux : la beauté, la tendresse et la vérité.

La beauté, comme la tendresse est bien sûr issue de l’origine : le visage de la mère. Le ravissement profond qui parfois traverse le regard du bambin face à la mère se retrouve à l’état adulte par exemple dans son émerveillement devant le spectacle de Gaia.

La vérité repose sur la cohérence entre le bon sein et ce qu’il transmet. Adaequatio rei et intellectus (la vérité s’exprime dans la correspondance entre la chose et l’esprit). « Bon sein ne saurait mentir ! » L’enfant d’ailleurs en fait son cheval de bataille. Mais lorsque justement l’objet maternel ment, est perçu comme mauvais, la pathologie commence ! L’angoisse primaire peut ainsi aboutir à des pulsions sadiques.

Nous pouvons déterminer un changement d’état dans cette évolution de l’angoisse : c’est la conscience de l’affect. Dans l’angoisse originelle, et primaire, l’état est total, sans discontinuité. L’enfant est ce qu’il perçoit : il n’y a pas de mise à distance. L’objet transitionnel fait d’ailleurs parti intégrante du moi : le doudou reste encore accroché à ce moi-corporel et quel drame si soudain il disparait ! L’objet, quant à lui est partiel : pour paraphraser Françoise Dolto, « l’image du moi se dessine par à coup » suivant ainsi les objectalités successives du stade oral. La fusion, le bain maternel, le holding (Winnicott), cet environnement normalement sécurisant ne peut permettre de distinguer et de connaitre. Le moi n’est pas encore assez fort pour admettre le surgissement de cette conscience perceptive. Finalement, nous pourrions dire que l’objet n’est pas véritablement distinct du moi narcissique à l’état primaire. La mère, le sein, le pouce, la bouche, le nez, l’olfactif, sont dans la construction du moi des éléments. Si la mère est soustraite pendant les 18 premiers mois, dans une institution hospitalière (comme dans l’Hospitalisme de René Spitz), les conséquences de l’angoisse sur le moi-corporel sont durables et irréversibles : « retard de développement corporel, de la maitrise manipulatoire, de l’adaptation au milieu, du langage ; résistance amoindrie aux affections…voire marasme et mort. » (in Laplanche, p176, Collection Dico Poche/ Quadrige)

Ces angoisses sont généralement dites « blanches » : elles sont incrustées dans le corps, elles ont d’après moi leur propre vibration, qui resurgiront aux divers stades suivants mais l’enfant ne le sait pas encore.

Tout change au moment où il intériorise le plaisir ressenti au contact de l’autre, le reconnait, puis se reconnait lui-même dans son plaisir/son angoisse. Le Stade du Miroir (chez Henri Wallon de 6 à 12 mois, d’abord puis chez Lacan, de 6 à 18 mois) est selon moi déterminant dans la généalogie de l’angoisse.

Tout d’abord, le nourrisson reconnait l’image de l’autre : l’image spéculaire est au départ celle d’un autre, avec qui il s’amuse comme s’il était avec un comparse puis la rejette, comme celle d’un étranger, s’en détourne obstinément, enfin s’identifie à sa propre image.

L’angoisse agit ainsi en creux du désir de l’autre et permet la formation du je (Sujet). Mais cette fonction ne peut exister que dans la présence de l’autre. En effet, pourquoi dire je, s’il n’y a personne à qui l’opposer.

Ce stade est véritablement capital car il permet l’unification des moi-corporels et ainsi l’intégration du sujet : l’angoisse agit ainsi, par opposition, par le négatif, et impulse une nouvelle dimension.

La construction psychique est bien sûr incomplète mais nous avons là l’essence du « je » qui s’exprime, qui dit non, qui manifeste son mécontentement, sa joie, qui réagit au sourire de la figure tutélaire, qui prend conscience de son propre état et de ce qu’il peut engendrer, de sa propre angoisse.

L’angoisse change ainsi peu à peu de mode d’inscription : elle n’imprime plus sourdement, elle devient angoisse psychique, elle s’exprime, car l’enfant prend conscience de sa propre unité corporelle et de l’angoisse que peut susciter la non-maitrise de cette dernière comme il a expérimenté l’absence de la mère sur un mode angoissant. L’enfant vient rassembler son moi dans l’image spéculaire et contempler de façon jubilatoire cette unité, pour reprendre la terminologie lacanienne. L’idéal du Moi se constitue ainsi grâce au regard tendre de la mère qui confirme l’enfant dans cette reconnaissance imaginaire : je suis aimable, je suis capable de m’aimer et capable d’être aimé.

L’angoisse ainsi sécurisée permettra la structuration saine du Moi. Seulement si bien sûr la perception de l’enfant s’érode, ou se fausse si le regard de la mère est évitant ou inquiétant, ou encore ambivalent (voire manipulant), une angoisse effrayante est déclenchée. Elle devient alors pathologique s’incrustant durablement sous la forme d’un Surmoi maternel cruel, qui peut parfois dévorer le moi, le morceler, le déstructurer, le liquéfier. La structure du moi peut ainsi totalement se déliter et l’enfant être traversé de psychoses.

Cette angoisse surmoïque maternelle peut ainsi empêcher tout accès à l’idéalisation ou au symbolique : à l’idéalisation de la tendresse, de la justice ou de la beauté. Cette perte des objets d’idéalisation entraine une perte de la réalité de l’environnement : ce dernier devient alarmant. Plus de contenance possible ! L’angoisse devient psychotique.

Je trouve que cette angoisse est beaucoup plus dangereuse que l’angoisse qui suit dans la structuration du sujet, c’est-à-dire l’angoisse de castration. Si l’angoisse surmoïque maternelle est une angoisse de l’être, de perte de soi qui rejoint d’ailleurs les angoisses archaïques, l’angoisse de castration est au contraire, une angoisse de l’avoir ou plus spécifiquement de la perte de l’avoir. Cette dernière est bien sûr structurante dans la spatialité du moi, permet ainsi le surgissement d’un Surmoi paternel, social, néanmoins elle ne détruit pas la substance du moi.

A nouveau l’angoisse de castration est un bienfait dans les processus d’identification du garçon particulièrement, lorsqu’elle fait irruption selon Nasio dans son enseignement des 7 concepts cruciaux de la psychanalyse, pour accepter la loi de l’interdit (l’inceste) et choisir de sauver son pénis : tandis que le garçon renonce à son amour incestueux pour la mère (et donc refoule sa pulsion incestueuse), la fille refoule son amour pour le père et découvre la castration maternelle. Son angoisse de manque (de pénis) se traduira en un désir d’enfant d’abord sur le père qu’elle refoulera, puis sur l’étranger. Dans la continuité de l’énoncé, l’angoisse de castration est ainsi déterminante dans l’évolution et la structuration du Moi qui se spatialise, se pourvoie d’un Surmoi, d’un Moi et d’un ça _ là où les pulsions sont refoulées. Elle établit ainsi « une dynamique des entités psychiques qui aboutira à une identité complète du sujet. »

Je trace ainsi brièvement le concept de castration pour mieux entrevoir le surgissement de cette angoisse de l’avoir.

On pourrait bien sûr opposer que cette angoisse est finalement aussi une angoisse de l’être puisqu’elle va définir l’identité sexuelle de ce Moi. Mais c’est bien grâce à la possession ou non-possession du pénis a priori que se détermine le phallus. Cette angoisse de castration (plus tard névrotique) se fait dans la signifiance ou l’empreinte vibratoire que définit le Phallus, détenu par le père. De sa culpabilité, elle colore ainsi l’ensemble de l’existence du Moi.

Elle agit finalement en creux du désir d’avoir : le pénis-objet devient symbolique, puis devient phallus. L’angoisse de castration symbolique continue d’agir en creux pour comprendre le monde qui l’entoure, ainsi la pulsion épistémologique permet de renforcer ce désir au monde. L’avoir devient symbolique. Nous passons ainsi peu à peu à la période de latence entre 6 & 12 ans avant la puberté et l’adolescence.

Selon Freud, dans ses 3 essais sur la théorie sexuelle, cette phase de latence opère un déplacement de la libido de la pulsion sexuelle vers la pulsion épistémologique : l’enfant peut mieux investir les apprentissages et la création artistique par la sublimation. Il pense d’ailleurs que la pulsion sexuelle est éteinte.

Aujourd’hui cette période de latence n’est plus aussi pudibonde qu’à l’époque de Freud car, selon Florence Guignard (dans l’Interview du 22 mars 2012 in Cairn dans  Champ psy 2012/1 (n° 61), pages 163 à 171), elle serait même en disparition car l’enfant n’est pas réellement protégé de la sexualité digitalisée dans les médias et les réseaux. Normalement il se protège de cette sexualité angoissante en la refoulant, par la pulsion épistémologique mais là il n’a que le choix d’être hyper-mature ou pseudo-mature, singeant ainsi l’adulte.

Malgré tout, cette période de latence est censée préparer au souffle violent de la puberté et aux angoisses nombreuses qui reviennent à la charge à l’adolescence.

L’adolescence est véritablement le passage incertain. En même temps qu’une puissance cognitive et conceptualisante, l’adolescence, c’est aussi l’empire des sens et de la libido. L’angoisse de l’adolescent est complexe et douloureuse : elle agit dans les relations entre les structures adultes et infantiles, dans l’établissement de son identité (dont l’identité sexuelle), entre la famille et le monde, dans la séparation, la perte, l’indépendance, les désillusions …. dans le sens de son existence, dans la définition de son essence et dans le surgissement de son être au monde. Pour vivre, il faut être capable de signifier, de donner un sens à la vie malgré le surgissement de la mort.

Les angoisses d’avoir et d’être ressurgissent de plein fouet : autant l’angoisse originaire, l’angoisse de la naissance, les angoisses primaires de séparation, de perte d’objet, l’angoisse de castration, que les angoisses archaïques, les angoisses vertigineuses de vide liées à l’unification du Moi.

De 12 à 14 ans, je rêvais parfois la nuit que mes atomes explosaient et peu à peu je me sentais me liquéfier et disparaitre dans une explosion universelle. Je me réveillai soudain, allumai toutes les lumières et allai m’observer dans un grand miroir suspendu derrière la porte de ma chambre comme pour rassembler mon moi et prouver ainsi que mon existence n’avait pas totalement disparu… autant l’adolescent peut se sentir menacé par ces angoisses archaïques tapies dans le tréfond de l’inconscient, autant il subit son corps, ses poussées hormonales et les pulsions du ça qui doivent être contrôlées. La masturbation peut ainsi permettre le contrôle de la décharge comme l’endormissement des pulsions du ça. Et je me dis parfois que l’adolescent se masturbe pour taire les effroyables angoisses archaïques.

La pulsion sexuelle de l’adolescence peut devenir angoissante à tel point que l’adolescent peut craindre de perdre le contrôle : le contrôle de sa pulsion, comme le contrôle de sa décharge. En outre, il prend au fur et à mesure possession de son phallus : il envisage sa vie d’adulte, son pouvoir, sa réussite comme sa vie sexuelle, si d’ailleurs il ne vit pas déjà une vie sexuelle dont il théâtralise les us par mimétisme grâce à sa vie culturelle et sociale.

L’angoisse agit toujours ainsi : en creux et/ou en négatif de la libido.

III Vers une nouvelle lecture de l’angoisse

C’est finalement dans le négatif que se produit le pathologique, lorsque l’impulsion n’est plus vers la vie mais vers sa négation ou son annihilation. Souvent, on assimile le pathologique à l’anormal. Ainsi le pathologique suivrait un simple phénomène statistique : en dessous de 50%, nous aurions ainsi les anormaux, les pathologiques, une visibilité finalement énonçable grâce à une séméiologie de l’angoisse. On pourrait même mesurer un taux anormal d’angoisse, faire une psychométrie de l’angoisse.

Cela existe grâce à des questionnaires… Échelle brève de Tyrer (rassemblant 8 items sur la perception des symptômes par le patient, & 2 par l’examinateur. Et l’HAD(S), (Hospital Anxiety & Depression Scale) rassemblant 14 items perçus par le patient.

Dans le même temps, comment un affect peut-il être identifié, et mesuré ? Cet affect souffre de sa propre perception et de la perception que l’autre (le thérapeute) engage à son égard.

Peut-être devrions-nous revenir sur la définition de l’angoisse comme signal d’alarme face à un danger ?

Freud l’a longtemps attribuée uniquement à une excitation non-déchargée qui devient angoisse. Ainsi dans cette leçon n°25, l’angoisse nait de la libido : elle est ce qu’éprouve le moi face au danger intérieur du ça. Ce qui sépare l’angoisse de l’angoisse du Réel, c’est un point de vue économique ou topologique (extérieur/ intérieur) et un point de vue dynamique : refoulement et résistance.

Dans la seconde théorie dans Inhibition, Symptôme et Angoisse, c’est l’angoisse en tant que signal qui est à l’origine du refoulement : le contenu de l’angoisse reste inconscient _comme dans la phobie où l’objet parait réel, comme l’expression d’une angoisse face à un danger réel (le cheval du petit Hans) mais le contenu de l’angoisse reste inconscient. (Lacan dira qu’elle a un objet, mais c’est bien sûr l’objet petit a, fictif et indéfinissable, objet du désir de l’autre, obscur et inconnu)

Ensuite, il retrace dans ce même essai, une généalogie de l’angoisse : angoisse de la naissance, angoisse de la perte d’objet maternel, angoisse de la séparation d’avec l’organe génital, angoisse de castration, angoisse sociale ou de perte de l’amour des figures tutélaires, angoisse de mort et projection du surmoi dans les puissances du destin.

Avant que ne se déterminent des objets phobiques, des obsessions ou des conversions somatiques, l’angoisse reste un affect qui peut envahir la totalité du psychisme. Peut-être pourrions-nous ainsi délimiter la puissance bienfaitrice de l’angoisse par la pathologie de son envahissement. C’est certainement ce que l’H.A.D.S tente de déterminer : un niveau d’envahissement.

D’une certaine manière dans le négatif de cette angoisse, nous trouvons l’introjection, plutôt que la projection : l’angoisse est proprement interne. 

Bien sûr qu’elle semble se projeter à l’extérieur dans le champ somatique et comportemental. Pourtant sa souffrance est proprement interne. 

Dans l’HADS, nous avons particulièrement des questions de ressentis, d’affect, d’épreuves mentales. Comme l’enfant introjette le bon objet, le plaisir, le bon sein, il introjette parfois, certainement dans la phase dépressive (celle qui tente de réparer le mauvais objet) l’objet angoissant, l’image angoissante de la mère en colère par exemple. Pour que se forme l’angoisse de l’agoraphobie, il faut qu’un objet ou une situation angoissante soit introjeté. (cf le Petit Hans) L’angoisse anticipatrice, quelle qu’elle soit, nait de l’introjection d’un danger perçu ou d’une situation dangereuse perçue comme telle.

Entre les deux confinements, X est parti visiter ses parents et a ressenti de fortes tensions : son père éprouvait de violentes anxiétés qu’il tentait de projeter sur sa propre vie tandis que sa mère semblait sur la défensive. Il y a quelques mois, X reprit le train pour chez eux. Et premier acte manqué, il manque l’arrêt comme s’il ne se souvenait plus de la bonne gare ; il descend donc à l’arrêt suivant.

La gare est presque vide, c’est un début de soirée et il lui faut attendre 2 heures pour prendre le prochain train afin de retourner sur la ville où ses parents habitent. Il les appelle donc pour leur dire qu’il a loupé l’arrêt. On plaisante. On se moque gentiment de sa maladresse, on soupire et finalement on accepte de patienter.

Il a une soudaine envie d’uriner. Les toilettes ne fonctionnent pas. Il lui faut sortir à l’extérieur et trouver un endroit discret au loin : l’environnement de la gare ne lui semble pas rassurant. Il s’est mis à pleuvoir une fine bruine désagréable. Le temps est gris. Et soudain tout est gris : les murs sales de la gare, les toits d’ardoises. Rien ne va plus. X retourne à l’intérieur de la gare. Un nœud douloureux se forme au creux de l’estomac. Une fièvre soudaine vient envahir tout son espace corporel. Il s’assoit, tente de se calmer. Il allonge les jambes. Il craint que les gens ne devinent son angoisse. Il se lève alors. il marche dans la gare. Il fait le tour des lignes. Son cœur se met à battre la chamade : ai-je bien vu ? le bon train ? la bonne heure ? Vais-je pouvoir revenir à temps ? 

Il se mire dans une vitre : son teint est livide. La crise est à son acmé. Il prend conscience qu’il appréhende cette visite parentale. Il se calme. Au fur et à mesure, le mal s’estompe. La douleur à l’estomac disparait. Puis tout redevient normal.

Chez les parents, tout se passe tendrement : l’anxiété paternelle a disparu, sa mère a recouvré sa douceur.

Il est certain que dans cette angoisse, il doit y avoir plus d’un objet introjeté et plus d’une angoisse. A l’état adulte, si les symptômes peuvent être définis, l’affect n’est qu’enchevêtrement d’angoisses de castration, de séparation d’objet…. d’angoisses archaïques. Certainement résonnent encore le traumatisme de naissance et l’angoisse originaire. Il est sûr que la vibration d’une empreinte, d’un signifiant lorsqu’il est entendu dans la cure psychanalytique, résonnent de mille angoisses. C’est finalement la parole qui peut donner une signification à cette angoisse par le signifiant et ainsi permettre son contrôle. Seulement, comme dirait Lacan, la guérison de cette angoisse ne vient que de surcroit !

La psychopathologie distingue trois grandes orientations dans les angoisses : les angoisses primitives ou archaïques, les angoisses de différenciation/ séparation, et les angoisses liées à la différence des sexes. Même si cette classification ne peut être superposable aux trois grandes organisations psychiques : névroses, psychoses et états limites, elle permet cependant de lier certaines positions aux grandes angoisses : la position autistique et paranoïde-schizoïde aux angoisses archaïques, la position dépressive (perte d’objet, abandon) aux angoisses de différenciation/séparation, et la position névrotique à l’angoisse de castration.

L’angoisse est un monstre psychique : elle est insupportable à vivre dans la durée : elle effectue alors des mutations selon les structures. Dans la structure névrotique, elle se convertit dans le soma, via l’hystérie, ou la phobie, se traduit dans le rituel ou l’itératif, via l’obsession : elle se propage à l’objet et s’objective.

Dans la position autistique ou paranoïde-schizoïde, c’est respectivement l’autre ou la réalité, qui est rejeté dans sa possibilité de dialogue au moi. Dans la position dépressive, c’est le moi _ sa valeur_ qui s’affaisse incroyablement.

Ces pathologies structurelles semblent renfermer une pulsion violente, mortifère : elles sont en fait des mécanismes de défense.

Mais l’angoisse, en deçà, vibre toujours à travers le désir de vie. Voudrions-nous taire cette angoisse que nous cesserions de vivre !

CONCLUSION

Finalement l’angoisse traverse l’ensemble de l’évolution humaine et la limite entre le bénéfice et le pathologique est ténue. 

L’absence d’angoisse est en revanche rare, peu reconnue, anormale et pathologique : elle entraine, dans l’alexithymie, un abaissement du niveau libidinal, et la faiblesse des perceptions d’émotions et d’affect (soit d’angoisse). Cette alexithymie bloquent les moteurs de la vie et leurs accès ; d’où la pathologie ! 

L’angoisse est donc normale ; elle innerve et propulse l’ensemble de la vie humaine. Même dans la violence objectale du pervers, lorsqu’il déshumanise son objet pour mieux l’assujettir à son principe de plaisir, l’angoisse de séparation et de castration sont bien présentes. Il peut parfois même ne pas ressentir de culpabilité quant à son acte mais la crainte de la perte d’objet est, elle, bien perçue ; l’agressivité qui colore cette angoisse est la marque de son identité bien spécifique mais ce n’est pas la seule angoisse agressive !

La limite est bien fragile : nous sommes nombreux à vouloir vivre à tout prix. Et l’agressivité semble être pathologique de cette furieuse angoisse. Mais qu’accepte-t-on au prix de cette angoisse ? 

Le XXIème siècle est certainement la marque d’un égo insurmontable : le Moi-je est un phallus phénoménal qui impose sa violence sur terre. L’angoisse le pousse maintenant à emplir indéfiniment cette terre qui implose : je veux vivre à tout prix, même au prix de l’autre, même au prix de Gaïa, la mère. Ce moi-je craint tant le manque. Et devient aveugle de la perte de son objet, conséquemment de sa propre perte.

Il faudrait un instant, taire cette angoisse furieuse de vie pour se souvenir que le trépas est aussi universel : cette angoisse de la mort est ciselée à même le fœtus, à même la vie, dans le traumatisme de naissance mais nous tentons à tout prix de l’oblitérer, comme la mort disparait de nos us.

Il faudrait, plutôt qu’une angoisse vitale, purement matérielle, l’abstraire dans la sublimation, dans la parole, et sur le divan : il faudrait vivre à nouveau le plaisir de la mise entre parenthèse pour saisir notre présence au monde et l’accepter !

Frédéric P. Lemonnier

Bibliographie :

Freud : 

  • Inhibition, symptôme et angoisse (Petite Biblio PAYOT Classiques)
  • Introduction à la Psychanalyse (Petite Biblio PAYOT Classiques)
  • Le Petit Hans (PUF, Quadridge)

Gérard Bonnet : 

  • L’angoisse : l’accueillir, la transformer (Collection PSY. Pour tous)

Vassilis Kapsambelis

  • L’angoisse (Que sais-je)

Ouvrages Collectifs : 

  • Manuel de Psychologie et de psychopathologie, clinique générale (René Roussillon, 3èmeédition, Editions Elsvier Masson)
  • Les fondamentaux de la psychanalyse lacanienne (Presses universitaire de Rennes (particulièrement p143 à 163)
  • Vocabulaire de la psychanalyse de Laplanche et Pontalis (PUF, Quadridge)
  •  

Jean Bergeret :

  • La personnalité normale et pathologique (en particulier la première partie sur la structure et la normalité) (Editions Dunod)

CAIRN.info :

Published by fredericlemonnier1973

Frédéric, Pierre LEMONNIER est né en 1973 à Soissons (France). Nourri par ses voyages, son amour des cultures, et ses études de philosophie, d’histoire de l’art, de langues et de musique, il est sans cesse en quête de sens et utilise ainsi une large palette de supports pour mettre en lumière, sa conception du monde : peintures, poesie, roman, musique, nouvelles...

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